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"Une impression d'assister à une comparution immédiate" : procès de Mazan, les audiences se déroulent rapidement en raison d'un emploi du temps chargé

6h00 - Modifié : 11h41 par Mandy Vereecken

"Dans les affaires de viols non contestés, un procès dure en moyenne de deux à trois jours pour un seul accusé. Ici, nous avons seulement trois à quatre heures pour chacun, ce qui soulève de réelles préoccupations." C’est le constat fait par Carine Monzat, avocate de la défense. Ce sentiment est partagé par d'autres avocats interrogés au palais de justice d'Avignon, alors que le procès des viols de Mazan entre dans sa septième semaine, se terminant le 18 octobre.


Depuis le 2 septembre, trente accusés ont été entendus, et il en reste vingt-et-un. Malgré les absences fréquentes de Dominique Pelicot pour des problèmes de santé en début de procès, le calendrier a été respecté. Le président de la cour criminelle du Vaucluse, Roger Arata, craignait "une catastrophe" si l'absence du septuagénaire se prolongeait. Cependant, depuis le 17 septembre, ce procès à forte résonance médiatique a pu reprendre à un rythme rapide.


Chaque semaine, la cour criminelle, composée de cinq juges professionnels, entend des groupes de six ou sept coaccusés. Tous doivent comparaître d'ici le 18 novembre, date prévue pour les plaidoiries. Les auditions incluent enquêtes de personnalité, expertises psychologiques, témoignages de proches et interrogatoires, le tout étant prévu sur quatre jours, du lundi au jeudi, avec le vendredi réservé aux imprévus.


"On a parfois l'impression d'être dans une comparution immédiate," note une avocate de la défense souhaitant garder l'anonymat. Ce n'est pas un reproche à la cour, mais au ministère de la Justice pour ne pas avoir fourni les ressources nécessaires, comme le souligne Paul-Roger Gontard, un autre avocat impliqué. La Chancellerie a déclaré avoir attribué des fonds supplémentaires à la cour d'appel pour ce procès, sans spécifier le montant. Le parc des expositions d'Avignon, envisagé pour accueillir les débats, n'a finalement pas été retenu.


Le 3 octobre, sept accusés ont été entendus en une seule journée. Leurs récits, souvent similaires, décrivent leurs rencontres avec Dominique Pelicot sur le site coco.gg, le rendez-vous chez lui à Mazan, et leur entrée discrète dans la chambre conjugale. Bien que beaucoup reconnaissent les faits, ils n'admettent pas l'intention de violer. De nombreuses contradictions apparaissent, d'où la nécessité d'explorer plus en profondeur leurs déclarations.


Il est également crucial de comprendre le profil de chaque accusé pour personnaliser les peines. Cependant, le temps alloué aux interrogatoires de personnalité est souvent insuffisant pour saisir qui ils sont vraiment, selon plusieurs avocats. Mohamed R., 70 ans, a tenté de partager son parcours de vie, mais a été interrompu par le président de la cour, qui lui a demandé de se concentrer.


Si certains accusés sont plus loquaces, d'autres, plus réservés, révèlent peu de leur personnalité en raison du format rapide des interrogatoires. Cela inclut Mahdi D., qui n'a pas pu discuter de l'abandon progressif de sa mère, vécu durant son enfance.


Beaucoup parmi les accusés ont subi des traumatismes depuis leur enfance, tels que des violences ou des abandons. La plupart n'avaient jamais consulté un psychologue avant d'y être contraints par le cadre de leur injonction de soins. "Ces individus ne sont pas habitués à parler d'eux-mêmes, ce qui rend l'exercice intimidant," observe une avocate. "Il est essentiel d'aborder les sujets sensibles avec délicatesse et patience."


Carine Monzat note que la levée du huis clos n’a pas facilité l’expression des accusés, conscients que leurs propos pourraient être relayés dans les médias. Pour Paul-Roger Gontard, la nature de la cour impacte également la qualité des débats, les magistrats ayant accès aux dossiers, contrairement aux jurés d’assises. Les critiques des cours criminelles affirment que cette situation nuit à la rigueur des discussions, qui peuvent sembler précipitées.


Néanmoins, le procès a pour but d'explorer la vérité à travers les confrontations des accusés, selon Gontard. "Qu'il s'agisse d'une cour criminelle ou non, ces personnes risquent jusqu'à vingt ans de prison," conclut Monzat.