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Vandalisme de cabinets, harcèlement sexuel, insultes : les agressions contre les médecins se multiplient chaque année

Publié : 11 mars 2025 à 6h00 - Modifié : 11 mars 2025 à 15h20
Mandy Vereecken

Le docteur Saïche fait face à des incivilités et agressions verbales de plus en plus fréquentes dans l’exercice de son métier. "On m’a traité plusieurs fois de mauvais médecin, et j’ai subi des insultes que je préfère ne pas répéter", confie-t-il, peiné.


Les tensions vont parfois plus loin. Il a dû solliciter l’intervention de la police municipale pour faire partir une patiente qui refusait de quitter son cabinet sans ordonnance. Une autre, furieuse, a vandalisé la salle d’attente, frappant les murs, arrachant des affiches et renversant des chaises.


Selon lui, la situation s’aggrave : "Les agressions, qu’elles soient verbales ou physiques, à l’encontre des médecins et du personnel soignant, sont en nette augmentation partout en France." Une tendance confirmée par le Conseil national de l’Ordre des médecins, dont les données de l’Observatoire de la sécurité des médecins montrent une hausse de 27 % des actes de violence entre 2022 et 2023, dépassant les 1 500 incidents recensés.


Face à cette escalade, plusieurs syndicats médicaux appellent à une grève générale le 12 mars, journée désormais dédiée à la lutte contre la violence dans les soins de santé. "Le mouvement est largement soutenu par de nombreuses organisations", explique le docteur Saïche, également président de la branche Grand Est de la Fédération des médecins de France (FMF). L’Union française pour une médecine libre (UFML) et MG France, syndicat des médecins généralistes, se joignent également à la mobilisation.


Florent Herzog, médecin à Marckolsheim et président du syndicat des généralistes du Bas-Rhin, constate que ces agressions surviennent principalement lorsque les attentes des patients ne sont pas comblées. "C’est souvent le cas lorsqu’un médecin refuse de prescrire un traitement non justifié, de prolonger un arrêt maladie ou lorsqu’un rendez-vous tarde à être accordé", explique-t-il.


Les professionnels de santé sont en première ligne face à des patients en souffrance, parfois atteints de troubles psychiques. "Aujourd’hui, les attentes sont plus pressantes : les patients exigent des réponses rapides et des solutions immédiates à leurs demandes", souligne-t-il.


Ce climat tendu a encouragé la création de maisons médicales ces dernières années. "Travailler en groupe permet aux praticiens de ne pas être isolés et de réduire l’exposition aux violences", poursuit-il. Cette organisation est d’autant plus pertinente que les femmes, qui représentent une part croissante du corps médical, sont les premières victimes de ces agressions.


Pour encadrer ces situations de plus en plus fréquentes, le Conseil régional de l’Ordre des médecins du Bas-Rhin est le seul en France à avoir mis en place un accompagnement juridique spécifique. Un avocat, maître Raphaël Nisand, a été mandaté pour assister les médecins dans leurs démarches judiciaires. "Cette initiative leur garantit un soutien concret en cas d’agression", explique-t-il. Il les accompagne lors du dépôt de plainte, et le Conseil prend en charge l’ensemble de la procédure.


En un an, une trentaine de médecins ont fait appel à ses services. "Certaines victimes, notamment des femmes, ont signalé des faits de harcèlement sexuel de la part de patients. D’autres ont rapporté des insultes liées à leur religion, ainsi que divers actes de violence", illustre l’avocat. Toutefois, il estime que ces plaintes ne représentent que "la partie émergée de l’iceberg", car de nombreux praticiens préfèrent garder le silence.


Le problème ne touche pas uniquement les médecins libéraux. Dans les hôpitaux aussi, les agressions se multiplient. Face à cette réalité, Jean-Romain Théolade, ancien interne en médecine, a fondé l’association Acéso, basée à Strasbourg. Son objectif : offrir un espace d’écoute aux soignants confrontés à des violences, à des pressions excessives ou à un sentiment d’impunité.


L’association joue également un rôle de soutien juridique collectif. "Rassembler des témoignages similaires permet d’avoir plus de poids en cas de dépôt de plainte", explique son fondateur. En parallèle, elle assure une médiation entre les soignants et les directions hospitalières afin de signaler les difficultés liées au manque de moyens.


Pour Jean-Romain Théolade, l’amélioration des conditions de travail est essentielle pour enrayer ce "cercle vicieux" de la violence dans le secteur médical. "C’est en agissant sur les ressources allouées aux professionnels de santé que l’on pourra véritablement faire évoluer la situation."