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"La chaleur des douches provenait de l'incinération des déportés" : le témoignage poignant d’un des derniers survivants d’un camp de concentration

Publié : 28 mars 2025 à 6h00 - Modifié : 28 mars 2025 à 14h04
Mandy Vereecken

Natzweiler-Struthof

« Les premiers mois, ces déportés perdaient entre 10 et 20 kilos. La faim était telle qu’ils en venaient à lécher le sol. » Devant une salle silencieuse, Gérard Mosson raconte l’horreur du quotidien au camp de concentration de Natzweiler-Struthof aux élèves de troisième du collège Louise Weiss, à Strasbourg. Derrière lui, des images et des dessins défilent sur le mur, projetés par un rétroprojecteur.

C’est à l’âge adulte que Gérard Mosson a découvert que son père, Henri Mosson, avait été prisonnier du camp du Struthof pendant la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui âgé de 101 ans, son père a consacré sa vie à témoigner, racontant son arrestation à Dijon en 1943, alors qu’il n’avait que 19 ans, jusqu’à sa libération en 1945. Longtemps, il s’est exprimé oralement, mais il a récemment accepté de mettre son histoire par écrit.

Son livre, Ma déportation. Ultime récit d’un déporté Nuit et Brouillard, sera publié le vendredi 28 mars 2025 aux éditions Tirésias-Michel Reynaud. Il y retrace les circonstances de son arrestation après avoir été dénoncé pour ses activités dans la Résistance, sa condamnation à mort, puis sa déportation au camp du Struthof. Sur place, il découvre un quotidien inhumain.

Si Henri Mosson a finalement accepté de publier ses mémoires de son vivant, ce n’est qu’après les supplications de ses enfants et petits-enfants : « Nous lui avons expliqué l’importance de ce témoignage pour les jeunes générations, car bientôt, il n’y aura plus de témoins directs. Même si des interviews existent, un livre reste et peut être lu et relu », confie son fils Gérard.

Face aux élèves, Gérard Mosson poursuit son récit. « Les conditions d’hygiène étaient si déplorables que la douche était un soulagement. Mais cette eau chaude provenait de l’incinération de leurs camarades. » Un silence pesant s’installe.

Les jeunes, bouleversés, tentent d’assimiler l’horreur de ce qu’ils viennent d’entendre. « C’est inimaginable… Comment l’homme a-t-il pu faire ça ? » s’interroge Esteban Moya, élève de troisième. Lily Grandet-Chauvet ajoute : « On apprend en cours que beaucoup de gens sont morts, mais entendre un témoignage précis, c’est bien plus marquant. »

À l’arrière de la salle, la professeure d’histoire-géographie, Isabelle Heidmann, observe ses élèves avec émotion. « Ce genre de témoignage donne tout son sens à notre enseignement. On essaie chaque année de les emmener au Struthof, mais les créneaux sont très demandés, et obtenir une place est un vrai défi. »

De son côté, Gérard Mosson repart avec le sentiment d’avoir accompli un devoir de mémoire. « Il est essentiel de raconter ce qui s’est passé. Mon père disait toujours qu’il n’y a que deux choix : se soumettre ou résister. Et c’est en résistant que l’on préserve notre liberté. »

Lors des commémorations des 80 ans de la libération du camp, en novembre 2024, Henri Mosson était le dernier rescapé encore en vie à y assister. Son témoignage demeure une voix essentielle pour ne jamais oublier.